Raymond Queneau (1) est l’un des co-fondateurs de l’Oulipo, en 1960, avec François Le Lionnais. Né au Havre en 1903 (« Ma mère était mercière et mon père mercier / Ils trépignaient de joie »), Queneau rencontre le surréalisme en 1924 ; il participe à toutes les activités du groupe avant de rompre en 1929 avec André Breton. Assidu aux cours d’Alexandre Kojève sur Hegel, il effectue des recherches sur les « fous littéraires », et son intérêt pour les mathématiques s’approfondit (il entrera en 1948 à la Société mathématique de France). Le Chiendent, publié en1933, explore déjà le langage, et, au delà d’une construction romanesque complexe, interroge, non sans pudeur, le sens de la vie. Les romans suivants s’enracinent dans son expérience personnelle, comme une suite donnée à une psychanalyse commencée en 1932. Son œuvre, d’abord pessimiste, se teinte peu à peu d’un humour savant : Pierrot mon ami (1943) montre un Pierrot, sorte de double de Queneau détaché et naïf, qui annonce le Valentin Brû du Dimanche de la vie (1952). Avec les Exercices de style (1947) vient le succès populaire. Il entre en 1950 à l’académie Goncourt et au Collège de pataphysique, où il aura le titre de Transcendant Satrape. Il dirige la rédaction de l’Encyclopédie de la Pléiade, et Zazie dans le métro, publié en 1959 lui apporte la notoriété. Il fonde avec François Le Lionnais l’Oulipo en 1960, s’intéresse aux œuvres « potentielles » dont les Cent mille milliards de poèmes restent le meilleur exemple.

 

Exercices de style (2) est l'un des ouvrages les plus célèbres de Raymond Queneau.Ce livre a été publié en 1947 chez Gallimard. Cet ouvrage singulier est une série de 99 textes courts évoquant la même histoire de 99 façons différentes. L'histoire elle-même tient en quelques mots.

Le narrateur rencontre dans un bus bondé de la ligne S un jeune homme au long cou, coiffé d'un chapeau mou. Ce jeune homme échange quelques mots assez vifs avec un autre voyageur, puis va s'asseoir à une place devenue libre. Deux heures plus tard, le narrateur revoit ce jeune homme devant la gare Saint- Lazare . Il est alors en train de discuter avec un ami. Celui-ci lui conseille de faire remonter le bouton supérieur de son pardessus.

Jugés d'abord "avec tristesse" par le directeur d'une revue influente, les Exercices de Style devinrent très vite populaires par des mises en voix et des mises en scène que l'auteur n'avait pas prévus.

(1)http://oulipo.net; (2) http://www.alalettre.com

 

 

Méprise, Maïke T.

 Notations
Un samedi soir, juste avant vingt heures, une jeune femme sort d’un immeuble. Elle traverse la rue et continue à marcher 500 mètres à peu-près pour arriver au supermarché Pick’n’Pay d'à côté. Elle entre d’un pas rapide et décidé, puis ressort quelques instants plus tard avec une pochette en plastique à la main. Elle reprend son chemin vers l’immeuble d’où elle est venue. Devant la porte en fer noir, elle s’arrête pour ouvrir avec sa clé. Un homme ventripotent, d’une quarantaine d’années, marche dans sa direction. Il lui dit quelques mots. Le visage de le femme s'affole, son corps tressaille. L’homme ne cesse de chercher son regard avec insistance.


Voyance
Samedi soir, juste avant vingt heures, tu verras une jeune femme sortir d'un immeuble. Habillée d'un jean et d'un pull trop grand et noir, elle aura a coeur de passer totalement inaperçue. Pour se cacher davantage, elle portera ses cheveux blonds en chignon et elle baissera légèrement la tête en marchant. Tu verras qu’elle se dépêchera un peu. Elle prendra le chemin le plus direct et arrivera au magasin d'à côté juste avant qu’il ferme. Peu d’instants plus tard, elle ressortira, une bouteille de lait et un pain dans une petite pochette à la main. Elle retraversera la rue, puis s’approchera de son immeuble. Arrivée à la porte en fer du bâtiment, elle aura déjà ses clés à la main. Soudain, un homme s’approchera d’elle et lui demandera son prix. Elle tressaillira.

 

Déconcertée
De jour ? Oui, cela s’est passé samedi. Samedi soir, je dirais. Le soir, oui, il faisait sombre, oui. Mes vêtements ? Euh…normaux. Fins…légers et enveloppants, discrets, non ? Je pense que je portais un jean. Ah, une jupe courte, pensez-vous ? Permettez-moi, non, je pense que…il me semble que, vraiment, je portais un jean. Probablement. Euh…en tout cas, je suis allé au supermarché du quartier vers vingt heures, je crois. Plus tard, vous-pensez ? Ah…possible…En tout cas, c’était pour acheter du pain. Lequel ? Oh, excusez-moi, je…je…je suis désolée, monsieur, je ne peux plus vous dire. C’était du pain, et du lait, je crois. En tout cas, quand je suis revenue à la maison, il y avait un homme là qui s’est approché de moi beaucoup trop près…, selon mon impression…moi, ça me semblait très proche, mais bon, j’avoue que, peut-être c’est de la faute à mes impressions. En tout cas, cet homme, il m’a, il m’a choqué, il m’a demandé ce que je coûtais. C’était horrible. Vous ne me croyez-pas ? Ah, vous pensez  que…que j’ai mal entendu ? Non, je…je crois, qu’il a dit ça. Pourquoi? Euh oui…c’est vrai…pourquoi ? Euh…oui, peut-être que je me suis trompée. Autre chose ? Oui, peut-être qu’il a dit autre chose.

 

Passé simple.
Un samedi soir, je sortis plus tard que je le fis d’habitude parce que je dus encore acheter du pain et du lait pour le lendemain matin. Comme je fus plutôt chagrinée, je voulus revenir rapidement, me protéger de ces regards permanents à cause d’une couleur de peau que je ne pus pas cacher, dans ce quartier où l’on ne se mit pas au diapason du potentiel de ma présence. Je parvins au supermarché rapidement. Je pris mes produits, les payai et je me mis en route pour le retour. Les regards furent curieux, incrédules, dépréciatifs, avides et je manquai de force pour m'y confronter, même de les supporter ce jour-là. Soulagée, j’arrivai enfin à la porte en bas de mon immeuble. Un homme gros, plus vieux que moi apparut derrière moi et il me demanda mon prix. Frissons éternels don mon dos. Cette ville ou je mourus.

 

Dans une boîte de nuit, Mara O.

 

La boîte de nuit „Duplex“, un samedi soir comme il y en a beaucoup. C'est l'heure de pointe devant l'entrée,  au vestiaire et au bar. La piste de danse est pleine de gens qui se font mener par la musique. Tout au milieu je vois un homme, beaucoup plus âgé que la moyenne des autres danseurs. Il porte un maillot blanc qui invite à regarder sa poitrine velue, sa bedaine et ses quelques derniers cheveux frisés. Je trouve qu’il ressemble à un Italien. Les filles autour de lui se moquent de lui, sa tenue, sa manière de danser. Mais moi, je constate surtout qu’il est l’être humain le plus heureux dans cette discothèque.

 

Vulgaire

L’était un peu plus dminuit quand j suis entré dans le «Duplex», cette boîte près dla gare. Jattends longtemps à la garde-robe et puis pour m acheter une blonde. C est la folie ici, une vraie tripotée de gens. Pas beaucoup de nanas et même pas jolies, à tétons trop petits quoi. Jpaye ma bière et voilà ti pas

que j remarque un p’tit vieux bonhomme sur la piste. Il a mis un marcel blanc. Dites-donc, il a quand même de la brioche! Et il est chauve, le vieux croûton. Il me fait penser à un Italien. Je lregarde, jpasse devant trois meufs qui mtapent toutltemps sullé panards, les putes, dites-donc, vous pourriez pas faire attention les salopes? J remarque voilàti pas qu’elles font la nique au vieux. Mais putain, il est lplus heureux type dans cette baraque de merde

L'été, Michelle S.

 

Gaieté

C’est l’été. Dans un parc empli de roses parfumées, une jeune et jolie femme, les cheveux blonds, brillants comme le soleil, fait du vélo à la vitesse de la marche. Elle porte une robe blanche avec des bretelles fines. Elle descend de son vélo à côté d’une mare aux canards. Elle s’accroupit mais je peux seulement la voir de dos. Elle observe probablement les canards qui  barbotent. Je regarde fixement ses cheveux pendant qu’elle se fait une queue-de-cheval. A ce moment-là, j’aperçois un petit tatouage en forme de fleur de cerisier sur sa nuque. Puis, elle se lève brusquement et disparaît avec son vélo, ses cheveux satinés soufflant dans le vent.

 

Poème

Les rayons du soleil

La chaleur à leur intensité pareille

La nature verte et vivante

Comme les roses fragrantes

Ressemblent à la jolie jeune fille

Ses cheveux brillent

Comme l’or

Les canards sont dehors

Et barbotent dans la mare

La jolie jeune fille peut voir

La beauté fugace

et l’embrasse

 

Valentin et Valentine, Lena D.

 

14 février. Les amoureux en Australie fêtent la St. Valentin. Le soleil brille et comme beaucoup d'autres couples, Valentine et Valentin ont rendez-vous près d'un lac. Valentin met une couverture sur l'herbe à l'ombre et Valentine y dépose les affaires du pique-nique. Valentin a une surprise pour Valentine ; dans un petit congélateur, il a une glace. Il la lui donne, Valentine est ravie. Valentin la regarde et s'approche d'elle. Ses lèvres sont seulement à quelques centimètres des lèvres de Valentine, quand elle fait un mouvement brusque. La glace tombe et s'étale sur le pantalon de Valentin. Ils s'écartent brusquement l'un de l'autre. Leurs regards vont du pantalon à la glace dans l'herbe. Après un instant, Valentin éclate de rire. Il regarde Valentine et lui dit qu'il l'aime.

Conditionnel:
Si je ne m'étais pas réveillée trop tard, si je n'étais pas aussi excitée par ce rendez-vous et si je  n'avais pas la tête ailleurs, j'aurais eu beaucoup plus de temps pour me préparer et je n'aurais pas oublié de me brosser les dents. Si je n'étais pas aussi amoureuse de lui et s'il ne me regardait pas tout le temps  de cette manière, je ne me sentirais pas comme une adolescente et son premier amour. Je ne me comporterais pas de façon aussi débile. S'il ne faisait pas si chaud et si Valentin n'était pas si mignon, il ne m'aurait pas acheté de glace. S'il ne m'avait pas donné cette glace, nos mains ne se  seraient pas touchées et peut-être il ne se serait pas approché de moi. Alors je n'aurais pas senti son odeur qui embrume mon esprit, je n'aurais pas pensé à mes dents non lavées et je n'aurais pas sursauté. Je n'aurais pas lâché ma glace et la glace n'aurait pas sali son pantalon et le moment n'aurait pas été raté.
Mais en même temps, il n'aurait pas tant ri et peut-être il ne m'aurait pas dit qu'il m'aime.

Fourmillement
Dans une paisible forêt près d'un petit lac, Sophie la fourmi était en train de se promener quand  quelque chose d'immense se faufila à seulement quelques centimètre d'elle. C'était un pied énorme, le pied d'un ……. « Un être humain ! Oh Seigneur des fourmis noirs ! Oh Dieu des insectes ! Au secours ! » s'exclama-t-elle. La journée avait relativement bien commencé..
Comme le soleil desséchait tout, la recherche de nourriture avait été difficile. Mais elles avaient finit par trouver quelques baies, un peu pourries mais mangeables.
Alors pourquoi être frappé par le destin maintenant ? Sophie était désespérée. Et elle n'avait pas tort. Outre cette première paires de pieds, une deuxième piétinait une des fourmilières. Quelle horreur ! L'alarme sonnait partout. Les fourmis s'agitaient dans tous les sens. C'est à cet instant que Sophie vit le panier. Un panier de pique-nique remplit de dizaines de choses délicieuses. Quel miracle ! L'humain plus petit se mit à étaler les affaires sur une couverture géante qui couvrait une grande partie de la cuisine des fourmis. Que ces humains sont stupides ! Ils laissent tomber des morceaux de nourriture par terre, un par un. Mais quelle aubaine ! Sophie était ravie. La journée ne se finissait pas si mal qu'elle ne l'avait cru.

Sentiments
Les oiseaux chantent, le soleil brille,
Je ne peux pas comprendre
Que je ne peux plus attendre
De finalement voir la plus belle fille.

C'est donc le matin
Quand je vois le châtain
De ses longs cheveux ;
Elle est mon plus cher vœu.

On se pose sous un arbre
Et c'est là où je la vois
Et la chaleur me donne froid :
Sa peau est comme du marbre.

Je lui donne une glace fraîche
Au parfum abricot-pêche
Elle me rend un sourire
Et je pourrais mourir.

Je veux la sentir,
Je veux l'embrasser ;
En même temps je veux fuir ;
Comme je suis angoissé.


Mais qu'est-ce que c'est ça ?
Sa glace est sur moi !
Engourdi par le froid,
Je la prends par la main.

Ce sentiment m'envahit,
Il faut que je rie ;
C'est en écrivant ce poème
Que je comprends que je l'aime.

Le camion citerne, Yvonne M.

 

Insignifiance

Un homme roule dans son camion-citerne. Soudain, il voit un chien sur la route et tente de l´éviter. Il fonce dans une borne fontaine qui se brise et sa citerne s’ouvre. S’ensuit une averse d’eau provenant de la borne et une cascade de lait provenant de la citerne. Des enfants en profitent pour s`amuser dans l`eau de lait.

 

Hommage à Molière

Un bipède doté de raison, mais non pas de race noble, circulait à bord de sa monture d’acier, laquelle transportait l’immaculé velouté de source bovine, destiné à nourrir veaux et nourrissons.

Quel effroi il ressentit, lorsqu’un mammifère domestique de la famille des canidés, plus familièrement dénommé canis lupus familiaris, surgit sur l’anthracite. Hélas, une borne dont font usage les étouffeurs de feu se brisa sous l’effet bélier du monstre de fer.

L’objet, servant à libérer les âmes prisonnières des flammes dévastatrices, dégagea un jet d’eau d`une puissance impériale qui épousa une fontaine blanche, échappée à son tour du char élancé, l’ensemble engendrant une nappe opaline où quelques enfants, émerveillés par la féerie inattendue, vinrent danser une gigue.

 

Médisances

Savez-vous ce qui s`est passé au bout de votre rue? Non? Vous ne devinerez jamais! Eh bien, en arrivant, j`ai vu les enfants de votre voisine, oui, Madame Bourbonnais,  ses trois enfants, même le plus petit je vous dis! Ils étaient en train de se doucher à l`eau et au lait! Toujours dans les mauvais coups ceux-là! ça oui c`est incroyable! Comment c`est arrivé ? Tout bêtement. Un accident de camion. Oui madame! Le lait? Il vient de la citerne. Ben, le camion, c`est un camion citerne bien sûr! Et l`eau? De la borne à citerne. Ah! Vous n`aviez pas remarqué qu`il y en avait une au bout de votre rue? Pourtant, en rouge, ça se remarque quand même! Alors, je me suis renseignée, j`ai demandé au concierge du numéro 55. Il m`a dit qu`un chien errant traversait la rue au moment où le camion arrivait. Et alors, le conducteur qui avait peut-être trop bu, je ne sais pas, a manqué de réflexe. Il a freiné trop tard, il a dû braquer, et il s`est pris la bouche à incendie. Et du coup, je ne sais comment, le lait a jailli de la citerne. Et tout ca pour un chien! Vous me direz, si les gens ne sont pas capables de garder le chien, faut leur enlever, hein? Et puis pour le chauffeur, s`il peut pas s’arrêter de boire faut qu’il arrête de travailler! Et qui c`est qui va payer pour les dégâts de la bouche à incendie?

Hein? Ben c`est nous tiens? Les impôts! Vous allez voir Madame Bichet, l'année prochaine on va payer! Vous allez voir!

 

Très populaire

Y avait, comme qui dirait, un Zozo au volant d`son bahut plein d`bidons de jus de vache. Y roulait comme un dingue pour livrer ses bib`ronds quand un tordu d`cabot a traverser l`bitume! Le mec y fait ce qu´y peut pour éviter le cabot: y braque à droite toute. Y rate le médor mais s`y fait, recta, un bouche d`incendie q’les pompiers avaient eu la mauvaise idée d`cultiver à c`t endroit pile. Alors là, j`te dis pas le tableau. La cargaison du mec a  explosé et le nuage de lait s`est transformé en déluge, vu qu`la bouche d`incendie a pété aussi et qu`un jet d`eau gros comme ma cuisse est montée à dix étages de haut pour retomber en pluie, ca a été la super douche à la flotte et au lait! Olé! Pour les loustics du secteur. Z’ont envahi la voie lactée pour s’fendre la gueule sous c’t arrosage pas commun. Le zozo, lui, y r’gardait les dégâts en maudissant l`cabot. Y pensait aussi aux veaux qu`auraient mieux fait d`le boire. Ca s`rait pas arrivé!

 

Une visite d'Amérique, Brigitte H.

 

Version originale

A midi. Sur un parking devant un restaurant. Une famille attend une visite d’Amérique.

Une limousine blanche arrive et une femme visiblement fortunée ouvre la portière. Ses lèvres charnues sont bien maquillées. Elle a un look super soigné. Son âge réel se cache sous les interventions de la chirurgie esthétique. Elle porte un manteau de  fourrure sombre haute couture et sans doute cher. Ses bijoux sont d’une élégance raffinée.

Tenant sa fille de la main gauche, son sac à main coûteux de l'autre, elle s´approche de la famille en essayant de tenir l´équilibre sur les talons hauts de ses chaussures design.

Chacun reçoit un bisou du bout des lèvres. Elle dit à sa petite sœur allemande qui a attendu dehors dans un manteau trop léger et  qui a froid et faim: « Mon pays va mal, c’est inquiétant. Nous sommes à zéro. Mais le nouveau Président arrangera tout.»

 

Indication scénique

Personnage : L`Américaine

                   sa fille

                   Sa famille allemande

                   Sa petite sœur allemande

Premier acte :

Un parking, à droite l´entrée d'un restaurant.

Une famille se trouve en demi cercle devant la porte du restaurant.

Bruit de moteur, puis bruit d´une porte de voiture qu´on ferme.

Silence.

 

Une visite d´Amérique entre en scène. Changement de  lumière. Bruits de flashs, spot sur la femme.

Elle est très bien soignée, habillée à la mode, vêtements haute couture. Son visage est parfait comme un masque. Elle porte un manteau de fourrure, des bijoux et un sac à main exclusif.

A sa gauche : sa fille.

La femme, chaussures à talons très hauts,  marche vers la famille allemande.

 

Salutations sans paroles. Elle salue sa chétive sœur allemande qui a visiblement froid en dernier.

L´Américaine (d´une voix larmoyant) :

 « Mon pays va mal, c’est inquiétant. Nous sommes à zéro. Mais le nouveau Président arrangera tout.»

 

Conte de fées

Il était une fois une famille de la classe moyenne qui n’était ni riche ni pauvre et qui vivait  tranquillement sur le vieux continent, dans un vieux pays, dans une ville ni grande ni petite. Un jour en hiver vers midi toute la famille - le père, la mère, et deux enfants - se réunit  sur la grande place devant une auberge fameuse pour sa cuisine cinq étoiles. Ils avaient mis de côté tout leur argent parce que ce jour-là ils voulaient inviter une parente éloignée, soeur de la mère, qui vivait au loin  et qu´ils n´avaient pas vu depuis de nombreuses années.

De loin on vit s´approcher un carrosse d´or tirée par six chevaux blancs. Dans un grand nuage de poussière doré il arriva sur la place et l´attelage et les chevaux se transformèrent en une grande limousine blanche. Les oiseaux cessèrent de chanter. La famille attendait  avec un profond respect. La portière s´ouvrit comme animée par magie et d´elle même une femme d´une beauté et d´une richesse vertigineuse descendit de la limousine. Des petits elfes voletaient autour d´elle et perfectionnaient son maquillage, ses lèvres charnues, ses cheveux dorés. Ils lissaient les faux plis de son vêtement et les rides de son visage. D´un clignement des yeux elle les transforma en palombes blanches qui s'envolèrent vers le ciel.

La femme portait un manteau de vison noir. En regardant de très près on pouvait voir innombrables petits animaux qui épousaient  la forme de son corps et qui la tenaient au chaud dans leur fourrure noire et brillante.  Elle portait des colliers et les bijoux d´une beauté extraordinaire.

Sa ravissante petite fille tenait  à sa maman par la main gauche. A la main droite elle portait un sac à main en cuir précieux.

Jamais auparavant la famille n´avait vu quelqu´un qui portait des chaussures à talons trop hauts pour en marcher  faites à la main par un artiste.  Les chaussures magiques portèrent la femme vers chaque membre de la famille. Du bout des lèvres elle souffla un bisou à chacun. A ce moment-là on put voir un étincèlement affreux dans ses yeux. Un souffle froid d´avarice et de cupidité frôla le visage de la petite sœur, qui était la dernière dans la file. Elle se sentit comme enlacée par des voiles de  brume glaciaux.

D´une voix de corneille la femme graillonna : « Nos affaires vont mal. Notre  royaume se clochardise. Je suis très inquiète.

Mais il est venu, le grand sorcier. Il a la formule magique pour agrandir notre empire et le défendre contre le pauvre peuple. »

 

 

Sprint contre le métro, Svea K.

 

Notations.

Sur la voie de la station Hauptwache à Francfort, vendredi soir. C’est l’heure du trafic de fin de journée. Plusieurs personnes attendent sur la voie pour commencer le weekend. Un jeune homme, qui est visiblement très nerveux, est dans l’escalator. Il gesticule dans toutes les directions, mais une vieille femme avec une grande valise est devant lui. Il est impossible de passer devant la femme. A ce moment-là, un train arrive. Les portes s’ouvrent, mais l’homme est toujours dans l’escalator. Plusieurs personnes quittent le train qui vient d’arriver et la voie se remplit de personnes. Enfin, le jeune homme quitte l’escalator et essaie d’attraper le train. Les portes du train se ferment lentement. Le jeune homme atteint une porte presque fermée, mais il ne parvient pas à monter dans le train. Il roule les yeux et au même moment déniche une femme ouvrant la porte pour une autre femme. Le jeune homme arrive en courant, mais la femme le voit trop tard et la porte se ferme directement devant l’homme. Le train part sans le jeune homme.    

Négations

Ce n’est ni un arrêt de bus, ni un aéroport, mais une gare. Ce n’est ni la station Konstablerwache, ni la Lokalbahnhof, mais la Hauptwache à Francfort. Ce n’est ni le matin, ni la nuit, mais l’heure du trafic de fin de journée. Ce n’est ni une femme, ni un enfant, mais un jeune homme. Il n’est ni dans l’ascenseur, ni dans un escalier, mais dans un escalator. Devant lui, ne se trouve ni chien, ni vélo, mais une grande valise. La valise n’appartient ni au jeune homme, ni à un autre homme, mais à une vieille dame. Le jeune homme n’est ni heureux, ni détendu, mais nerveux. Le train n’entre pas en gare, ni part, mais il s’arrête. Le jeune homme n’est ni au début, ni au milieu, mais à la fin d’escalator. Il n’essaie pas de passer le train, mais d’avoir le train. Les portes du train ne sont ni ouvertes, ni fermées, mais en train de se fermer. L’homme n’atteint pas une porte ouverte, mais une porte presque fermée. Il ne peut pas monter dans le train. Il n’est ni heureux, ni détendu, mais énervé. Une dame n’ouvre ni une boîte, ni un carton, mais une porte pour une autre femme. Le jeune homme ne se traîne pas, mais court. La femme ne le voit pas. La porte n’est ni ouverte, ni en train de se fermer, mais se ferme directement avant l’homme.

Modérateur sportif.

Aujourd’hui, nous sommes sur la voie exceptionnelle de la station Hauptwache à Francfort ! Ici, nous devenons témoins de spectacles les plus captivants et aussi très divertissants. C’est le commencement du week-end et je suis excité à l’idée de ce que l’on peut s’attendre à voir. Ah, là-bas, dans l’escalator, un petit garçon, énervé ! Mais la dame là, elle lui barre le chemin ! Ce n’est pas possible. Le train arrive et il semble que le jeune homme essaie d’avoir ce train. Mais, voyez cette grande valise de la dame ! Il n’y a aucune possibilité de passer devant elle. Les portes s’ouvrent, il est impossible d’atteindre ce train ! Mais que se passe-t-il? Le garçon  sprinte, la porte est presque fermée, il va avoir le train, c’est génial ! Mais voyez ce pauvre garçon ! La porte s’est refermée ! Et le garçon ? Il est sur le quai et roule les yeux. Pourquoi ne voit-il pas la dame là-bas ? La dame qui ouvre une autre porte là-bas ? Il peut y arriver ! Il peut y arriver! Ce n’est pas la fin du spectacle ! Il n’a pas encore perdu! Ah, il regarde la dame, il n’est pas trop tard pour gagner contre le train ! Il sprinte, mais la dame ne réagit pas ! Elle ne lui ouvre pas la porte! C’est un désastre ! Le garçon est presque là ! Mais non ! Il rate le train ! Ce n’est pas vrai, je rêve ! Le train a gagné. Le garçon perdu. Quel drame.  

A côté de l'église, Nico D.

 

Notations

Samedi soir, neuf heures moins cinq, un vieil homme, visiblement âgé de quatre-vingts ans ou encore plus, entre dans le supermarché à côté de l’église de notre village. Dans sa main droite, il tient un petit morceau de papier, probablement sa liste de commissions. Aucun autre acheteur ne se trouve dans ce supermarché, sauf lui. Comme il voit une jeune vendeuse en train de travailler près de la vitrine réfrigérée, il se dirige vers elle. Il lui montre sa liste de commissions et lui dit : « Tu devrais me montrer où se trouve ce livre. » La jeune femme arrête tout de suite son travail et lui montre le chemin.

 

Amnésique

Je ne sais pas très bien où ça se passait ... dans une école, un magasin, une piscine ou une poubelle ? Une voiture peut-être ? J’essaie de m’en souvenir, mais je n’y arrive pas. Il y avait là ... mais, qu’est-ce qu’il y avait donc là ? Des crayons, des légumes, des chaussures, de la viande ou du bois ? Oui, mais avec encore autre chose, mais quoi? Je crois bien que c’est ça. Des gens dans un supermarché. Mais il y en avait combien ? Un ou peut-être deux, dix ou peut-être cinquante ? Je ne le sais plus. Je crois que c’était plutôt une femme. Non, c’est probablement faux, c’était plutôt un homme. Mais quel âge avait-il ? Il avait peut-être vingt ans ou bien il était un peu plus âgé, environ quatre-vingts ans. Est-ce qu’il était grand ou petit, gros ou maigre ? Je crois que tous ces traits correspondent très bien à celui que j’ai vu. Je crois aussi que je connais cet homme et que je l’avais déjà rencontré fortuitement quelque part. Mais où exactement ? Et pourquoi ? Et à quelle occasion ? Je ne le sais plus. Je ne sais presque rien de lui. Mais je crois qu’il avait quelque chose dans sa main, mais dans laquelle ? C’était probablement la main gauche. Non, je suis presque sûr que c’était plutôt la main droite. Il se dirige vers quelqu’un d’autre (homme ou femme, enfant ou vieillard, acheteur ou vendeur ?). Cela se termina, cela finit bien par se terminer d’une façon quelconque, probablement par quelqu’un qui voulait acheter quelque chose dans un supermarché quelconque. Mais quoi exactement ? Je crois bien que cet homme, qui était jeune ou vieux, ne trouvait pas ce qu’il avait cherché. Alors, il a probablement posé une question à un vendeur. Non, à juste titre, il a demandé quelque chose à une femme, probablement à une vendeuse. Mais, après, ils ont parlé de quoi, de quoi, de quoi ? Je ne le sais plus, mais je sais encore que ...     

 

Simple rêve ou cauchemar ?

Il me semblait que tout était silencieux, désert et laissé à l’abandon autour de moi, à côté du supermarché de notre village, comme si personne ne savait que cet endroit existait encore. L’obscurité de la nuit tombée créait une atmosphère inquiétante, macabre, lugubre, sinistre et même anxiogène sur le parking devant le supermarché, cependant, son éclairage intérieur brillait jusqu’à notre maison dans laquelle mes parents, mon frère et moi-même, dormaient profondément. Soudain, toute la cruauté de l’atmosphère anxiogène disparut. Un vieil homme dont le chapeau noir et la chemise blanche semblaient déjà annoncer le caractère important et indispensable de son achat entra en scène. D’un pas rapide, résolu et déterminé, il quitta l’ombre de la nuit, entra dans le supermarché, tira un petit morceau de papier de sa poche, le regarda consciencieusement, puis se dirigea vers une jeune vendeuse qui était en train de trier quelques emballages de viande par ordre de leurs dates de péremption. Arrivé à côté d’elle, la vieille créature enleva son chapeau, lui montra sa liste des commissions, la fixa du regard et lui dit d’une voix extrêmement forte : «  Tu devrais me montrer où se trouve ce livre. ». La jeune femme regarda ce qui était écrit sur son morceau de papier, réfléchit un petit moment et finit par l’accompagner jusqu’à ce qu’il eût trouvé exactement le livre qu’il cherchait. Là-dessus, je m’éveillai.